20.1.05

Rey, Dazai, espaces entre, rire, Bush, Otsukare samadeshita, je suis français.

Aujourd'hui c'est le 20 janvier 2005.
Les collègues de la Coordination ont, il y a deux jours, squatté France-inter. Action. Internet permet de savoir ça à Tokyo.
Et la moustache d'Alain Rey a frémi. Il avait choisi, sans savoir, le mot perturbation. Il a remis une couche (oh la belle expression) le lendemain.
C'est chouette.
Bravo.
On peut se lier et se fier à http://www.cip-idf.org
Ici, la Commission des idéogrammes n'a pas travaillé aujourd'hui.
Je lis un recueil de nouvelles de Dazai. Je ne connaissais pas, j'ai acquis ce livre par hasard. Dazai était (il est mort suicidé en 1948) l'enfant d'une famille de l'aristocratie de province japonaise, il a eu une vie d'alcool, de morphine, d'égoïsme forcené, hors.
Que ce doit être difficile de traduire.
Bibi n'aime pas Dazai. Quand je lui demandai "dooshite", il me répondit qu'il ne savait pas dire en anglais. Une heure plus tard, il est venu, il avait réfléchi. "Dazai represents for me the old japanese ego."
En te promenant à Tokyo, tu es saisi par une sensation d'abord indescriptible, quelque chose de bizarre. Bon, il y a ces immeubles immenses, entrourés de ces petits quartiers de maisons à un étage, il y a ces rues surplombées de plusieurs voies express superposées, voire de lignes de métro, s'entrecroisant genre Métropolis, passant entre les immeubles; il y a ces architectures alambiquées, il y a ces publicités partout... de tout ça et d'autres choses encore je reparlerai sûrement.
Non, là je parle d'autre chose que tu mets un temps à nommer.
Voilà : il y a systématiquement un espace entre les édifices. Petites bicoques, grands buildings, jamais deux bâtiments ne sont collés. Cet espacement peut mesurer 30 cm de large, mais il est toujours là. Bon, ça s'explique : en gros, Tokyo, et toute ville japonaise, connaît un tremblement de terre massif et destructeur tous les siècles. Le Big One. Cet espacement permet de minimiser les destructions, notamment par le feu. Isoler les bâtiments. Il y a d'autres moyens, tout un truc sur des fondations sur verrins des nouvelles constructions, qui rendent une tour presqu'élastique, la préservant de l'effondrement. Je crois aussi que, de toute façon, ils refont régulièrement les fondations des maisons. Le sol bouge ici.
Une culture de l'éphémère quoi.
De ça aussi je reparlerai aussi, c'est partout.
C'est cet espace qui donne la sensation sus-nommée. De l'air circule partout en vrai. Pas nécessairement moins pollué qu'ailleurs, mais c'est sensible.
Aujourd'hui j'ai eu un fou rire. Peu importe où et comment (en l'occurrence sur le plateau), mais j'ai eu un fou rire, avec Nappa. O putain que c'était bon.
Aujourd'hui, c'est la présentation de serment de Bush pour son deuxième mandat. Moi, j'ai CNN dans ma chambre. CNN, c'est un truc. Ils font du direct depuis hier pour l'occasion. Hier, Bush a présidé un bal au Texas, c'était en direct. Il a dit "I love my wife, Texas, and the United States". Il a dit aussi, à peu de choses près, "We American people love freedom, and we think that everybody in the world deserves freedom". Tout le monde mérite la liberté. Gros con. Gommennasai.
La fin de la journée de répétition est ponctuée par l'assistante-souffleuse et planningueuse, qui dit "OTSUKARE SAMADESHITA". (Le i de SAMADESHITA n'est pas prononcé); ça veut dire bien des choses en somme : quelque chose comme "on a bien travaillé", "vous êtes fatigués, moi aussi" (dixit Master George, régisseur plateau), "bravo pour cette journée", "c'est fini et c'est bien mérité", etc.
J'entends ce otsukare samadeshita avec vrai plaisir. Il dit quelque chose de profond, un partage de l'accomplissement, une mutualisation de l'effort, et il ponctue la fin de séance très justement. Et il est répété après, dès que je croise un collègue, dans la loge, les couloirs ou bien, nous échangeons un "otsukare samadeshita" de bon aloi.
On n'a pas ça en français.
J'ai eu un petit abîme de réflexion sur la France...
Je suis français, pas spécialement fier de l'être (sauf quand on bat les Anglais dans le tournoi des VI nations). C'est ma patrie, j'y suis né, je parle la langue, tous les champs sémantiques sont miens, je suis entièrement lié à la France, à cette France bizarre de la pétanque et du frometon, de l'intermittence du spectacle et du pastis, de Derrida et de la baguette, du latin et du cassoulet, d'Etretat et du minitel, de Tati et du Saint-Emilion...
Qu'est-ce que ça veut dire en vrai ?
Ouaouh.
Aujourd'hui j'ai envie de causer avec Alain Rey.

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